Un souffle nouveau traverse les couloirs de la défense française et australienne. Quatre ans après une rupture qualifiée de « trahison », le dialogue renaît autour des sous-marins nucléaires et réveille autant d’espoirs que de prudence. Derrière la poignée de main officielle, chaque geste mesure la solidité d’un lien militaire réparé mais encore fragile. Les observateurs guettent, dans le silence des ports, le moindre signe d’engagement durable.
La volte-face australienne sur les sous-marins nucléaires a laissé des traces
En septembre 2021, l’ancien gouvernement australien a brusquement rayé des tablettes le contrat signé avec Naval Group, pourtant chiffré à 56 milliards d’euros, raconte le site www.bfmtv.com. Dans la nuit, Canberra a choisi des coques américaines ou britanniques à propulsion nucléaire, laissant Paris abasourdie face à ce coup de théâtre diplomatique qui bouleverse l’équilibre régional actuel.
Le lendemain, Jean-Yves Le Drian a qualifié la décision de « trahison ». Geste rare entre alliés, Paris a rappelé ses ambassadeurs à Washington et Canberra pour consultations. Ce rappel symbolique a souligné l’ampleur de la fracture, tandis que l’opinion française mesurait le coût politique d’une promesse rompue aux yeux d’alliés traditionnellement proches encore.
Pourtant, la parenthèse ne s’est pas éternisée. L’élection, en 2022, du travailliste Anthony Albanese a ouvert un nouveau canal de dialogue. Depuis, militaires français et australiens multiplient les exercices conjoints dans l’Indo-Pacifique, ravivant pas à pas des habitudes opérationnelles mises sous cloche pendant quatre longues années loin des frictions d’hier et passées.
Entre pacte AUKUS et doutes, les priorités sécuritaires s’entrechoquent
Lorsque Canberra a signé l’accord AUKUS avec Washington et Londres, le choix s’est voulu audacieux. Aujourd’hui, un responsable de la défense américaine admet qu’une révision est en cours afin de rester en phase avec les objectifs fixés par le président Donald Trump, signe que le cadre initial vacille déjà aux marges.
Pendant ce temps, les chantiers navals américains peinent à suivre le rythme. Les unités promises tardent, et le calendrier pourrait glisser bien au-delà de la décennie. Dans le Guardian en 2024, Malcolm Turnbull a même redouté que l’Australie « ne dispose d’aucune capacité sous-marine pendant une grande partie de la prochaine décennie » entière.
Face à cette incertitude, l’ambassadeur Pierre-André Imbert rappelle que la question des sous-marins nucléaires demeure avant tout « un problème pour l’Australie ». Il souligne continuer le dialogue, tout en laissant Canberra assumer son choix actuel. Si la demande change, Paris se dit prête à réévaluer les options, sans précipiter sa réponse publique.
La reprise militaire autour des sous-marins nucléaires redessine la confiance
Depuis la reprise des échanges, forces françaises et australiennes ont conduit des manœuvres majeures dans l’Indo-Pacifique. Ces opérations, parfois proches des routes commerciales clés, servent à tester l’interopérabilité des flottes, tout en envoyant un signal de stabilité à des partenaires régionaux attentifs à l’équilibre stratégique qui renforce la coopération bilatérale.
Lors d’une allocation, Pierre-André Imbert a insisté sur le fait que « les premiers piliers de notre coopération sont la défense et la sécurité ». Cette affirmation traduit un changement de ton: plutôt que de s’enliser dans les griefs passés, les deux capitales mettent en avant intérêts convergents face aux tensions indo-pacifiques.
Si le projet AUKUS devait échouer, la question d’un nouveau contrat pourrait revenir à la surface. Paris n’écarte pas cette hypothèse, mais évite toute spéculation. Imbert résume la position française: « Nous verrons si nos amis australiens nous sollicitent ». En attendant, l’entraînement commun sert de ciment pragmatique pour la coopération future.
Des questions ouvertes sur la durée et la confiance stratégique
La relation franco-australienne avance désormais sur un fil tissé d’intérêts partagés et de précautions. Les manoeuvres conjointes illustrent un rapprochement concret, cependant l’avenir dépendra de la capacité de Canberra à combler ses besoins navals sans nouveaux retards. Si les promesses tenues cimentent la confiance, le moindre décalage de calendrier pourrait rouvrir les plaies diplomatiques encore sensibles et fragiliser un équilibre naissant.